La sédentarité mentale : Importance d’un entraînement cérébral au quotidien
La sédentarité mentale : Importance d’un entraînement cérébral au quotidien

La sédentarité mentale : Importance d’un entraînement cérébral au quotidien

Une analogie éclairante avec la sédentarité physique

Nous parlons de plus en plus – et avec raison – des ravages de la sédentarité physique. L’immobilité prolongée nuit à la santé cardiovasculaire, musculaire, métabolique. Mais qu’en est-il de notre santé mentale ?
Peu de prévention existe dans ce domaine. Très souvent, les personnes consultent un professionnel de santé mentale lorsqu’un problème est déjà installé. Le soin est alors vu comme une parenthèse, un passage obligé pour « régler » un trouble, avant de revenir à une supposée « norme » psychique, stable et sans effort.

Pourtant, si nous poursuivons la comparaison avec le sport, il semble évident qu’un équilibre durable – physique ou mental – demande une pratique régulière, un entretien, une conscience de soi en mouvement.

Le cerveau, cet organe paresseux ?

Le cerveau humain est formidablement adaptatif, mais aussi économe. Par souci d’efficacité, il tend à automatiser, à éviter l’effort attentionnel, à s’ancrer dans des habitudes confortables. Cette « paresse naturelle » devient un piège à l’ère du numérique, où tout est conçu pour réduire nos efforts cognitifs : GPS pour s’orienter, moteurs de recherche pour se souvenir, notifications pour ne rien manquer.
Des études ont d’ailleurs montré que l’usage intensif du GPS, par exemple, réduit l’activation de l’hippocampe, une région essentielle à la mémoire spatiale. À long terme, ces outils, bien qu’utiles, peuvent amoindrir certaines fonctions cognitives si nous n’en contrebalançons pas l’usage par un entraînement volontaire.

Vers une hygiène mentale quotidienne

Il devient donc crucial de repenser notre relation à l’activité cérébrale. Comme on entretient un corps en mouvement, il est nécessaire d’entretenir un esprit en éveil. Cela peut passer par des pratiques de neuromodulation solitaires – lecture consciente, écriture, méditation, observation – ou accompagnées – sophrologie, neurofeedback, thérapies intégratives.

Par « neuromodulation », j’entends ici toutes les pratiques qui favorisent la plasticité cérébrale, l’autorégulation émotionnelle et l’attention pleine. Ces activités sont loin d’être passives : elles mobilisent le corps, la respiration, les émotions, et permettent un entraînement structurant du système nerveux.

Concentration, plaisir et structuration du soi

La concentration est souvent vue comme une capacité intellectuelle. Mais elle est aussi profondément liée au plaisir. Être concentré, c’est être présent. Et être présent, c’est goûter ce que l’on vit.
Or, de nombreuses personnes, aujourd’hui, présentent des troubles de l’attention qui dépassent largement le champ scolaire. Ce n’est pas seulement un problème de productivité ou d’apprentissage, mais un enjeu existentiel. Une personne incapable d’attention ne peut pas pleinement intégrer ce qu’elle vit, construire ses goûts, ses désirs, faire des choix éclairés.
En ce sens, l’attention devient un socle de la liberté intérieure. Et elle doit s’exercer, comme un muscle.

Multitâche, dispersion et stress : le cerveau sursollicité

L’omniprésence des écrans, la course à la productivité et le culte de l’instantanéité favorisent une dispersion mentale chronique. Le multitâche, loin d’être un signe d’efficacité, entraîne une fragmentation de l’attention et un stress durable.
Ce mode de fonctionnement altère notre capacité à savourer une expérience, à l’ancrer, à en tirer du sens. C’est une forme moderne de malnutrition sensorielle. On voyage, on photographie, on partage – mais que reste-t-il, intérieurement, de cette expérience ?

La méditation et autres voies de présence : un espoir ancien

Il serait pourtant réducteur de peindre un tableau uniquement pessimiste. Depuis des millénaires, des traditions de méditation, de respiration consciente, de travail corporel ont permis à l’humain de renforcer son attention, sa présence, son équilibre intérieur.
Aujourd’hui, des disciplines comme la pleine conscience, la cohérence cardiaque, la sophrologie ou encore certaines approches de neuromodulation montrent scientifiquement leur efficacité sur l’humeur, la cognition, et même la structure cérébrale.

Dans le cadre de mon engagement auprès de France Alzheimer, j’ai constaté à quel point une pratique régulière, même simple, peut améliorer la qualité de vie et les fonctions cognitives de jeunes malades. Pourquoi faudrait-il attendre un déséquilibre ou une pathologie pour commencer à vivre pleinement, avec attention et conscience ?

Conclusion : entraîner l’esprit pour mieux habiter sa vie

Notre cerveau, comme notre corps, a besoin d’attention, d’activité, de modulation. La sédentarité mentale, bien que moins visible que la sédentarité physique, produit des effets profonds : perte de goût, troubles de l’attention, appauvrissement de la vie intérieure.
Il est temps de promouvoir une véritable hygiène mentale, faite d’exercices simples, accessibles, incarnés.
Non pas pour « performer », mais pour mieux habiter notre vie. Avec clarté, avec plaisir, avec présence.

Quelques références et études :

🧭 Effet de l’usage du GPS sur la mémoire spatiale

– Une étude longitudinale auprès de 50 conducteurs montre que l’usage habituel du GPS est associé à une diminution de la mémoire spatiale et de la capacité à se repérer sans navigation assistée. L’impact, observé sur trois ans, indique un déclin de la mémoire dépendant de l’hippocampe, suggérant que le GPS freine l’engagement de cette région clé arxiv.orgpubmed.ncbi.nlm.nih.gov+1pmc.ncbi.nlm.nih.gov+1.


🧘 Méditation et plasticité cérébrale

– Une méta-analyse de 78 études d’imagerie (fMRI/PET) révèle que la méditation modifie de façon cohérente les régions cérébrales liées à l’attention, la régulation émotionnelle, la conscience de soi et la mémoire arxiv.org+1pmc.ncbi.nlm.nih.gov+1.
– D’autres travaux montrent qu’un entraînement régulier augmente la matière grise dans le préfrontal (concentration, prise de décision) et dans l’hippocampe (mémoire), ainsi qu’une diminution de l’amygdale (stress), corrélé à l’amélioration de l’humeur et de la stabilité émotionnelle .


📈 Effets cognitifs et émotionnels mesurables

– Une étude contrôlée (13 min/jour, 8 semaines) auprès de débutants montre une amélioration de l’attention, la mémoire de travail, et une diminution de l’anxiété via un protocole de stress pubmed.ncbi.nlm.nih.gov+1arxiv.org+1.
– Une méta-analyse portant sur 30 RCTs chez seniors (MCI ou en perte cognitive normale) indique un effet positif significatif sur l’attention (g=0,22), la mémoire à long terme (g=0,32) et les capacités visuospatiales (g=0,22) pubmed.ncbi.nlm.nih.gov.
– Une analyse plus large (HRS 2000–2016) associe la méditation à des améliorations sur le contrôle exécutif et la mémoire, même chez les 60–85 ans pmc.ncbi.nlm.nih.gov.


⚙️ Neurofeedback et modulation cérébrale

– Le neurofeedback (rétroaction EEG ou fMRI de son activité cérébrale) induit des effets sur le réseau striato-frontale et modifie la connectivité corticale, favorisant la plasticité sciencedirect.com.
– Une étude récente combinant EEG et fMRI observe une meilleure régulation émotionnelle (insularité, amygdale, préfrontal) chez le groupe neurofeedback .
– Une étude sur 5 patients post-AVC révèle une amélioration de l’attention via un entraînement SCP (potentiels lents) et une augmentation du sentiment d’autoefficacité

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